Il est essentiel de définir la déconstruction culturelle et de la situer dans son contexte.
La déconstruction consiste à remettre en question les notions traditionnelles de langage, de sens et de vérité en révélant les contradictions et les incohérences des textes et des idées. En d’autres termes, il s’agit de se défaire des éléments néfastes de sa propre culture pour mieux avancer.
Chez Al-Khidr, cette démarche va au-delà de notre culture propre : elle englobe aussi le rejet des habitudes, savoir-faire et modes de vie légués par la colonisation. Une partie de cet héritage s’est imposée comme une nouvelle identité pour nous. Avant d’aller plus loin, il est crucial d’expliquer pourquoi cette remise en question est indispensable.
Les dimensions culturelles du savoir, du savoir-faire et du savoir-vivre
Les types de savoirs
On distingue trois types de savoirs :
- Le savoir naturel (issu de l’observation de la nature)
- Le savoir divin (perçu comme une vérité absolue, transcendante et immuable.)
- Le savoir artefact (création humaine)
Les deux premiers sont exempts d’erreurs et transcendent la compréhension humaine. Par exemple, la pluie tombe, qu’on comprenne ou non son cycle. Dieu est éternel, Il n’a ni début ni fin. C’est pourquoi on parle de croyance dogmatique.
En revanche, le savoir artefact, fruit de la codification humaine, est imparfait et sujet à erreurs. Il peut être vrai dans un contexte donné mais ne s’applique pas universellement. Par exemple, chez les Massaï, les hochements de tête et gestes ont un sens inversé par rapport à d’autres cultures. Autre illustration : selon les lois de l’aérodynamique, le bourdon ne devrait pas pouvoir voler, et pourtant, il vole. Ces exemples soulignent les limites du savoir humain et de la science.
La violation de la dimension culturelle du savoir
Quel que soit son niveau d’importance, un savoir humain ne doit pas être imposé à une autre communauté.
L’histoire coloniale nous offre un exemple flagrant de génocide culturel. Parler de “violation” est un euphémisme, tant l’imposition du savoir et des modes de vie coloniaux a bouleversé nos sociétés. Pourtant, nous continuons d’évoluer dans ce chaos culturel sans jamais prendre le recul nécessaire pour trier ce qui doit être conservé ou rejeté. Aujourd’hui, le savoir et le savoir-faire du colonisateur sont devenus un patrimoine adopté par le colonisé, qui s’en enorgueillit. Pire, il juge son propre frère ignorant et “non civilisé” s’il ne le maîtrise pas. Quelle honte !
Savoir qui nous sommes pour avancer
A Al-Khidr, il est primordial de redécouvrir qui nous sommes réellement, en nous ancrant dans notre environnement et en nous inspirant du savoir-faire et du savoir-vivre de nos ancêtres.
La déconstruction culturelle que nous prônons s’accompagne d’une reconstruction. Il ne s’agit pas seulement de rejeter, mais aussi de rebâtir notre histoire afin de redéfinir notre identité actuelle. Ce travail est essentiel pour conquérir notre futur, un futur qui nous appartient et qui répond à nos besoins et aspirations.
La vision d’Al-Khidr
Notre ambition est de faire de chaque jeune Nigérien un individu éclairé, conscient de la richesse de sa culture et de son histoire. Nous devons avancer ensemble en adoptant une direction commune, ancrée dans notre propre culture. Comme le rappelle une citation pertinente :
“La culture, c’est ce qui nous reste lorsqu’on a tout perdu.”
C’est pourquoi, à Al-Khidr, chaque cours intègres une mini-conférence sur la déconstruction culturelle. Cette approche permet d’attirer l’attention de nos étudiants et de faire d’eux des ressources précieuses sur lesquelles le pays pourra compter pour son avenir.